L’un des sujets qui concentrent le plus d’attention en matière de trésorerie est la question des prévisions. Elle conditionne bien sûr la liberté de manœuvre future et l’indépendance de l’entreprise et du dirigeant. Un point de vue sur la maturité et le rôle de l’Intelligence Artificielle sur ces sujets.

 

Que l’on soit au dernier co-lunching regroupant la fine fleur de la FinTech française, à la réunion annuelle de l’AFTE (Association Française des Trésoriers d’Entreprise) ou à celle d’Universwifnet, ou encore à la grand-messe annuelle de Kyriba, l’un des sujets qui concentrent le plus d’attention est celui des prévisions de trésorerie. N’est-ce pas naturel, compte tenu de l’importance de cette information pour la stratégie du dirigeant ?

 

Et quel rôle pour l’Intelligence Artificielle dans tout ça, nous demandez-vous peut-être ? Pour y répondre, il apparaît d’abord nécessaire de préciser ce que l’on entend par prévisions de trésorerie. Car à bien écouter, difficile de savoir ce que cette expression signifie, tant elle semble recouvrir de réalités différentes dans la bouche de nombreux interlocuteurs.

 

Il nous semble important de commencer par dire aussi que le sujet « Prévisions » est sans doute un des sujets les plus difficiles à traiter en matière de gestion. Les changements du temps présent ne facilitant pas la question d’ailleurs. Faut-il pour autant abandonner ce champ ? À notre avis, pas du tout, car les enjeux sont importants pour le dirigeant. L’argent n’est-il pas de la liberté imprimée, tel que le disait Dostoïevski ?

 

La manière la plus concrète de définir la notion de prévision est d’embrasser le point de vue du trésorier d’entreprise. Dans une optique de gestion de trésorerie zéro, de quoi notre trésorier a-t-il besoin aujourd’hui comme prévisions avec des taux si faibles et des OPCVM aussi pratiques ?

 

Réponse : des mouvements bancaires du jour de valeur J. C’est-à-dire d’un logiciel de communication bancaire, ou plus récemment des services d’un des nouveaux intermédiaires autorisés par la récente Directive européenne des Services de paiements.

 

Il serait donc parfaitement légitime qu’un trésorier d’entreprise rétorque que pour sa gestion de trésorerie, il n’a, dans les conditions actuelles, pas besoin de prévisions autres, que les écritures comptables qui lui manquent à ce jour et qu’au-delà, ce n’est pas son problème. Et c’est le point de vue de la plus large partie des chantres des nouvelles technologies. Je le dis sans amertume, car les systèmes d’informations sont mon métier aussi.

 

Évidemment, dès qu’il y a des questions de risques de change, de taux, d’enveloppes de crédit, d’incertitudes ou de remise en cause de modèles économiques, même dans les conditions de taux actuelles, la question des prévisions peut se poser. Ces situations ne sont probablement pas si rares. Il est nécessaire d’en revenir à la question du vocabulaire.

 

Car de nombreux trésoriers disent par exemple qu’ils entrent des prévisions dans leur progiciel de gestion de trésorerie. Ils prennent l’exemple des chèques remis à la banque, des remises de prélèvements à échéances futures. En fait, il y a là une petite confusion aussi, car rien de prévisionnel dans ces informations : en effet, pour l’entreprise, ces opérations sont du réel certain que la banque créditera plus tard. C’est dans les faits du « réel futur » pour la trésorerie.

 

Ce qui serait prévisionnel, c’est une estimation du complément de prélèvements qui sera remis pour la même échéance et qui n’est pas connu pour l’instant.

 

Cette clarification des termes n’est pas du domaine du simple jeu de mots : si l’on n’est pas clair sur la notion de prévisions (et de réalisations à mettre en face naturellement), il sera difficile de mettre en place des méthodes et modèles qui traitent le sujet.

 

Notons au passage que ces confusions terminologiques sont entretenues par la plupart des progiciels de gestion de trésorerie (à notre connaissance à l’exception de KTP) qui considèrent que toute saisie effectuée par la société est du prévisionnel par opposition à un réel qui viendrait de la banque. C’est évidemment une facilité de programmation, mais ce n’est qu’un point de vue sur la question, le réalisé, pour la société, n’étant pas forcément celui constaté par la banque. Il n’est pas question ici de développer ce sujet, pas plus que d’épiloguer sur les « Prévisions d’origine », les « Prévisions confirmées », les « Niveaux de prévisions » que l’on rencontre partout, mais qui ne reposent sur aucune définition ni méthodologie.

 

En conclusion et de notre point de vue, il apparaît clairement que pour traiter ces questions de prévisions efficacement, avant même de déployer une quelconque méthodologie, il faut éclaircir les objectifs, les enjeux, les concepts, et les rôles. Viennent alors d’autres questions, telle que celle de savoir quel est le rôle du trésorier dans cette affaire (En quoi est-il concerné ? Fait-il les prévisions ? Les reçoit-il d’ailleurs ? Comment ? Qu’est-ce que les réalisations ? Qui les lui fournit ? Le contrôle de gestion ? Avec quelle qualité de prévisions de l’activité ?).

 

Nous espérons ici mettre en évidence que le sujet est loin d’être seulement une question de flux de Data et de traitements de celles-ci, et le risque est très grand de rester dans la velléité et la confusion, avec ou sans le concours de l’Intelligence Artificielle, sans faire preuve d’une sérieuse méthodologie.